« Contrat chinois » : La Cour d’appel de Gombe mène une information judiciaire avec l’IGF devenue juge et partie

Le Procureur Général près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe a émis, en date du 9 mars 2023, une réquisition d’information aux fins d’obtenir des éléments sur des allégations en rapport avec l’exécution de la convention de collaboration entre la RDC et un groupement d’entreprises chinoises (GEC) sur son volet des infrastructures. Ces allégations, selon la réquisition d’information, font état de « cas de surfacturation » de ces travaux, « d’inachèvement des travaux pourtant totalement financés » et « d’inexécution des travaux déjà financés ».

Pour obtenir ces éléments d’information, le Procureur Robert Kumbu Phanzu a requis les services de l’Inspection générale des finances (IGF) et du Bureau technique de contrôle (BTC) qui sont appelés à fournir des inspecteurs des finances et des experts techniciens pour mener des investigations auprès de la SICOMINES et de l’ACGT, la première citée comme ayant financé les travaux et la seconde comme ayant supervisé l’exécution des travaux.

La démarche du Procureur Général près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe fait certainement suite à la clameur publique née du rapport de l’IGF sur un contrôle qu’il aurait effectué sur l’exécution de la convention de la collaboration couramment appelée « Contrat chinois ». Et même si le Procureur ne l’indique pas dans sa réquisition, cette démarche judiciaire est certainement basée sur ledit rapport.

Cependant, il faut relever le danger d’une démarche judiciaire qui s’enclenche sur la base de données qui font encore l’objet d’une contestation farouche d’une des parties impliquées, à savoir la partie chinoise qui, du reste, n’est pas clairement définie dans la documentation de l’IGF qui est truffée d’inexactitudes et de contrevérités.

L’IGF juge et partie dans la réquisition d’information

Rien qu’au regard de la clameur également en cours sur ces divergences entre l’IGF et la partie incriminée dans ledit rapport, l’on peut déjà observer que le dossier d’information ouvert par la justice part sur des bases viciées.

En effet, en requérant les services de l’IGF qui, de par son rapport contesté, est déjà partie au dossier, le Procureur Kumbu Phanzu fait d’elle juge est partie. De ce fait, il faut s’attendre, dans ces conditions, à ce que les inspecteurs de l’IGF qui pourraient participer à cette quête de l’information, aient de l’ascendant sur le reste de la composition de la mission et des structures ciblées pour imposer les vues de l’IGF contenue dans son rapport faisant l’objet de contestations de la partie incriminée. Le risque est donc fort que l’IGF prenne le contrôle de cette descente d’information pour biaiser les données en les orientant dans le sens de son rapport qui, comme déjà dit, est truffé d’erreurs, d’omissions et de contrevérités suspectes sur lesquelles la partie incriminée a déjà émis des réserves.

Si le Procureur général près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe a jugé que les faits lui parvenus nécessitent son intervention, il aurait fait œuvre utile en recourant à une autre structure dont la neutralité pourrait mettre toutes les parties à l’aise. Dans cette démarche, il aurait recouru utilement à la Cour des comptes, par exemple.

Les réserves de la partie incriminée sur le rapport de l’IGF basé sur un contrôle biaisé

En effet, en date du 17 février 2023, soit le même jour de la publication du rapport de l’IGF, l’Ambassade de Chine à Kinshasa avait, dans une déclaration de son porte-parole, relevé, d’abord, que l’«Ambassade a appris avec stupéfaction la publication du rapport sur le contrat chinois par l’Inspection générale des finances (IGF) de la République du Congo ». Cela indiquait que la partie chinoise n’était pas au courant d’une démarche de contrôle qui aurait été préalablement menée pour aboutir à un rapport.

Il faut rappeler que l’IGF avait commis une enquête auprès de la Sicomines pour une durée de 60 jours, enquête qui devait courir du 24 juin 2022 au 24 août de la même année. Mais les inspecteurs des finances ne se sont présentés que le 29 août, c’est-à-dire hors délai. Par la suite, la Sicomines sera surprise de se retrouver le 17 février 2023 dans une cérémonie qui avait toutes les allures d’une conférence de presse au cours de laquelle l’IGF présentait son rapport qui, depuis, fait l’objet d’une polémique.

Déjà dans la démarche, l’on peut relever que l’IGF avait délibérément brûlé la procédure de contrôle. En effet, la partie contrôlée n’a jamais reçu le pré-rapport de contrôle pour les avis. Ensuite, l’IGF n’a jamais organisé une séance contradictoire qui aurait découlé des observations écrites de la partie contrôlée.

A la place, l’IGF avait passé tout le temps à pourrir la vie à la Sicomines, notamment en faisant supprimer, sans compétence et à l’insu et de la DGDA et du ministère des finances, les droits d’exonération douanière tels que concédés à la Sicomines par l’Etat congolais.

On peut ainsi comprendre la surprise de la partie contrôlée d’apprendre qu’il y avait déjà un rapport alors qu’elle n’avait pas été impliquée dans le contrôle selon les procédures légalement reconnues. C’est donc en toute logique que l’Ambassade de Chine dira, dans la même déclaration du 17 février, son regret « de constater que le rapport, dont le contenu est plein de préjugés, ne correspond pas à la réalité, ne peut pas être considéré comme crédible et n’a pas de valeur constructive ».

Autant donc d’indications, qui existent sur la place publique, qui auraient dicté au Procureur Général de ne pas impliquer l’IGF à ce stade de l’information pour éviter d’en faire juge et partie au terme de son équipée qui a débouché sur des informations aux fondements véridiques sujets à doute, et des conclusions et recommandations qui se trompent tellement de cibles que ce rapport peut, à la limite, être contreproductif pour la République démocratique du Congo dont l’IGF prétend défendre les intérêts. Plus encore, les observateurs se demandent si cette information judiciaire vaut encore la peine du fait que le rapport de l’IGF qui l’a suscité a amené le chef de l’Etat à demander une relecture du partenariat sino-congolais. Une demande qui devrait, logiquement, être suspensive de tout autre démarche autour de ce rapport à conflit.

Le dossier reste ouvert

Jonas Eugène Kota

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