Pacification de l’Est : Voici pourquoi la RDC doit quitter l’EAC et retourner à la SADC

Chasser les officiers rwandais et maintenir sur son territoire une mission cofinancée par le Rwanda, ridicule pour Kinshasa qui se trouve englué dans l’hydre de Lerne aux dynamiques hors de portée des Congolais. Seule solution, estime les analystes : quitter l’EAC qui, pour la RDC, fait doublon avec la CIRGL qui renferme tous les pays membres de cette organisation sous-régionale et qui poursuit les mêmes objectifs avec un potentiel d’influence plus large. Les Congolais devraient rejoindre leur vieil amour : la SAFC qui est prête à mouiller le maillot et non se limiter dans des missions d’interposition.

De quel apport pouvait bien être la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC) dans la résolution de la crise sécuritaire à l’Est de la RDC et dans la région des grands lacs ? La question se pose encore aujourd’hui dans le chef des observateurs qui, au moment de l’engagement de la RDC dans cette organisation sous-régionale, n’en attendaient pas grand’ chose par rapport à la complexité de ladite crise. D’abord par le fait que Kinshasa était (et est encore) loin de maîtriser les dynamiques internes de cette organisation qui existe depuis 56 ans. Elle fut, en effet, créée en 1967 avant d’être dissoute en 1977, puis recréée en 2000-2001 avec le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie. Le traité de création va être modifié en 2006 et 2007 pour l’adhésion du Burundi et du Rwanda.

Ces évolutions en entraîné des adaptations aux contextes nouveaux tandis que les nouveaux adhérants arrivaient avec leurs propres agendas pour influer sur l’organisation au mieux des intérêts respectifs, avant tout, plutôt que collectifs tel que chanté angéliquement par tous.

Pour le cas bien spécifique de la RDC, on note qu’elle a été attirée par le Rwanda qui, dans la région, dispose d’un agenda qui n’est soluble dans aucune de ces organisations (EAC, CIRGL, CEPGL, etc.), quels que soient les contextes.

La RDC dans l’EAC comme dans l’hydre de Lerne

En adhérant à l’EAC, peut-être de bonne foi, Kinshasa ne pensait pas donner tout le bras alors qu’il tendait la main. Avec un peu de lucidité, la RDC pouvait bien se rendre compte du double emploi qu’il y avait à adhérer à cette organisation sous-régionale tout en appartenant à la CIRGL (Conférence internationale sur la paix, la sécurité et le développement dans la région des grands lacs et dans le pays – la RDC) dont tous les six autres pays membres de l’EAC sont membres.

En effet, créée en 2000 conjointement par l’ONU et l’Union africaine, la CIRGL poursuit au moins les mêmes objectifs que l’EAC avec les mêmes structures internes et les mêmes mécanismes de fonctionnement pour l’établissement et le maintien de la paix. Mais avec cet avantage que la CIRGL a des extensions diplomatiques dans d’autres zones telles que l’Afrique australe (Tanzanie, Angola et Zambie) et l’Afrique centrale (Sud-Soudan, Soudan, Centrafrique et Congo Brazzaville).

Mais depuis sa création, la CIRGL, qui jouit du double parrainage direct de l’ONU et de l’UA en plus des yeux de la CEEAC et de la SADC, n’est, à ce jour, pas parvenue à résoudre la crise des grands lacs. Le mécanisme conjoint de vérification (comme celui de l’EAC) a, depuis 23 ans maintenant, enregistré de multiples incidents sans parvenir à dégager des responsabilités et arrêter des mesures qui auraient pu mettre fin à la spirale de l’insécurité. Bien au contraire, il est apparu que les Etats membres se sont progressivement recroquevillés dans des subjectivités diverses, à l’instar des affinités ethno-raciales, notamment avec le groupe des hamites qui se retrouvent aussi bien au Kenya qu’en Tanzanie, au Rwanda, au Burundi et en Ouganda. Rien n’exclut donc des liens de solidarité basés sur ce genre de subjectivités.

Chasser les officiers rwandais et maintenir une mission cofinancée par le Rwanda, ridicule pour Kinshasa

Les observateurs s’accordent à soutenir que ce genre de détails ne manquent pas d’influer sur le comportement des uns et des autres et, finalement, de rejaillir sur la dynamique d’ensemble. Et ce mutisme, ou du moins ce laconisme de la communication de l’EAC, qui épargne systématiquement le Rwanda et ses responsabilités conflictogènes, ne devrait pas être étranger à l’insolente témérité du Rwanda qui tient tête à la planète entière.

Seule et isolée, la RDC est incapable de manœuvrer l’EAC au mieux de ses intérêts

A travers l’EAC, poursuivent les analystes, Kigali joue sa partition avec des tentacules sur les grandes places diplomatiques mondiales à travers justement les influences de ces places sur les autres pays membres de manière respective. Si, en effet, Paris, Washington, Londres ou Bruxelles peuvent formellement dénoncer le bellicisme de Kigali, ils ont la possibilité de le faire infléchir à travers des pressions dans la région, mais personne ne va plus loin pour des raisons évidentes.

Dans cette logique, comme dans bien d’autres dans ce microcosme compliqué, il est clair que la RDC est totalement isolée et ne saurait d’être d’aucune influence pour manœuvrer l’EAC au mieux de ses intérêts. Pour preuve, on peut bien se demander à quoi Kinshasa s’attendait en expulsant des officiers rwandais de Goma quand leur pays, le Rwanda, est un des contributeurs financiers de la force déployée sur son territoire. La main qui donne…

Quitter l’EAC et retourner à la SADC

Pour toutes ces raisons et tant d’autres, les observateurs sont d’avis que la RDC gagnerait très largement à se retirer de l’EAC. Cela ne serait pas offensant pour ses autres « vrais » amis qu’elle y compterait (la Tanzanie, par exemple) et qu’elle retrouve dans d’autres organisations régionales. Kinshasa a aujourd’hui intérêt à se trouver un bastion diplomatique sure à tous points de vue, comme un engagement militaire sans équivoque sur le terrain.

Et ce bastion a toujours été la SADC dont certains pays, comme la Zambie sont prêts à apporter financements et militaires pour une offensive contre l’agresseur plutôt une interposition aux résultats inefficaces.

Les observateurs sont, d’ailleurs, d’avis qu’en entrainant la RDC dans l’EAC, le Rwanda a réussi à l’isoler en l’éloignant des regards vigilants et influents des gros calibres de l’Afrique centrale et de l’Afrique australe. D’ailleurs, personne n’a jamais compris pourquoi Félix Tshisekedi fait aliéner à la RDC ses précieuses relations avec la SADC et la CEEAC politique. Des humeurs qui ont, selon les observateurs, jeté Sassou Nguesso dans les bras de Paul Kagame à qui il a offert des terres pour des cultures maraichères… aux portes de Kinshasa…

Jonas Eugène Kota

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *