RDC : Grosses hypothèques sur les élections effectives en 2023 (ONU)

Dans une publication ce 24 août 2023, notre confrère Africa Intelligence fait état du pessimisme de l’Organisation des Nations-Unies et du PNUD quant à la capacité de la RDC d’organiser des élections libres, transparentes et apaisées en décembre 2023. Le confrère fait état de deux rapports confidentiels produits, l’un par la mission d’évaluation des besoins électoraux de l’ONU produit en mai 2022 à la demande de la CENI, et l’autre par deux experts du PNUD qui ont recensé « les risques de conflits avant, pendant et après les élections de 2023 ». ce dernier rapport (88 pages) a été finalisé en juin 2022.

Plusieurs hypothèques à l’organisation effective des élections en 2023 sont énumérés dans ces deux rapports. Ces hypothèques portent sur la situation sécuritaire, la précarité des financements, l’embrigadement politique des institutions dont la CENI ainsi que les risques d’arrangements politiques au détriment du processus électoral.

L’hypothèque sécuritaire

Au plan sécuritaire, les deux rapports onusiens parle des risques de glissement de calendrier avec la poursuite des activités militaires et des autres groupes armés à l’Est de la RDC notamment. Une situation qui rend de plus en plus probable l’hypothèse d’un glissement de calendrier.

Pour cause, le timing de 640 jours logiquement prévus pour le cycle électoral à dater de la promulgation de la loi électorale pourrait être dépassé pour renvoyer le deadline des élections vers le premier semestre 2024, cela à condition que tout se passe sans accrocs.

Idées de glissement

Toujours selon ces rapports rapportés par le confrère Africa Intelligence, cette idée de glissement se susurre de plus en plus dans les milieux du pouvoir en place. Les uns projettent un report de deux à trois mois, tandis que d’autres, dont des diplomates, parlent d’un glissement d’une année au moins.

 A ces craintes s’ajoutent « un grand déficit de confiance dans certaines institutions impliquées dans la gestion du processus électoral, notamment la CENI et la Cour constitutionnelle ». L’équipe d’évaluation des Nations-Unies parle également de « nombreuses inquiétudes (qui) subsistent quant à la capacité de la CENI à respecter le calendrier électoral au regard des défis et des contraintes techniques et financières ».

Finances : moyens de contrôle des élections ?

Quant aux pesanteurs financières – le coût des élections est estimé à Usd 900 millions – on parle des difficultés de décaissement des fonds auxquelles fait face la CENI par rapport aux procédures mises en place. Le Ministre des finances aurait opté pour le séquençage de ces décaissements, ce qui, selon le PNUD, risque « d’affecter directement l’autonomie administrative et financière de la CENI, ainsi que sa capacité à avancer selon son propre calendrier d’activités ».

A ce jour, la CENI n’a pas encore encaissé les 640 millions Usd demandés pour l’année 2022 alors que les tensions demeurent entre cette institution et le ministère des finances. Des fonds qui doivent servir, entre autres, à l’acquisition des matériels électoraux et au lancement de l’indentification et l’enrôlement des électeurs.

Pour ce qui est des apports extérieurs, d’autres hypothèques apparaissent. Les appuis attendus de l’Union européenne ou des USA s’éloignent s’ils ne seront pas drastiquement réduits à la baisse pour se limiter à des appuis ciblés et ponctuels afin de « combler d’éventuels déficits budgétaires de la part du Gouvernement ».

Crise de légitimité de la CENI et embrigadement des institutions

Même projections pour ce qui est de l’apport de la Monusco dans l’accompagnement du processus électoral. En décembre 2022, renseigne notre source, le Conseil de sécurité confèrera à la mission onusienne « un mandat limité en matière d’assistance électorale ». Un mandat qui pourrait se décliner en termes d’assistance technique à travers des agences, des fonds et des programmes des Nations-Unies.

Ces restrictions se justifieraient par une « crise de légitimité » de la CENI et des inquiétudes quant à « la volonté du pouvoir en place de contrôler les institutions en charge du pouvoir » que sont la CENI et la Cour constitutionnelle. Les experts du PNUD justifient ces risques par des nominations intervenues à la CENI (Présidence et Secrétariat exécutif) où sont arrivés des personnes jugées proches du Président Tshisekedi. Idem pour la Cour constitutionnelle qui est présidée par un haut cadre dit proche du pouvoir en place.

Sur cette dernière institution, les experts du PNUD notent que le renouvellement de trois de ses juges en juin dernier s’est déroulé « sans que soient suivies les procédures pourtant prévues en cas de tels changements ». Conséquence : « L’ensemble des remaniements affecte clairement l’indépendance et donc la crédibilité de la juridiction en charge à la fois de gérer le contentieux des élections de niveaux national et d’en proclamer les résultats définitifs ».

Des hypothèses catastrophes sur le sort des élections de 2023

Face à cette situation, les rapports onusiens entrevoient des arrangements politiques, notamment entre le pouvoir en place et le FCC, pour garantir cette dernière sa présence au sein des deux chambres du parlement et sécuriser judiciairement son leader, Joseph Kabila, sa famille et ses lieutenants politiques. L’objectif de d’un tel arrangement serait que le FCC s’interdise de perturber le cycle électoral.

Un autre cas de figure voit Kabila tisser une alliance avec d’autres forces de l’opposition afin d’influer sur les élections. A défaut, ce nouveau camp pourrait en arriver à des violences au moyen d’hommes en uniforme restés fidèles à Joseph Kabila.

Troisième possibilité, le boycott des élections par le FCC avec des actions de pourrissement du processus électoral de manière active ou passive. Ce qui pourrait entraîner l’arrêt des opérations électorales et ouvrir la voie à une crise politique pouvant déboucher sur une transition vers de nouvelles élections.

Jonas Eugène Kota

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