L’armée rwandaise a joué « un rôle déterminant » dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), au côté du groupe armé antigouvernemental M23, dans l’offensive qui a conduit à la chute, en janvier-février, des grandes villes de Goma et de Bukavu, selon des experts de l’Organisation des Nations unies. Le rapport semestriel de ces chercheurs mandatés par le Conseil de sécurité des Nations unies, consulté mercredi 2 juillet par l’Agence France-Presse (AFP) et qui doit être publié dans les prochains jours, intervient quelques jours après la signature vendredi à Washington d’un accord de paix par Kinshasa et Kigali.
Le rapport souligne que les forces rwandaises ont joué un rôle crucial dans la prise de villes clés, en particulier Goma et Bukavu, par les rebelles du M23. Le rapport s’appuie sur des preuves concrètes, y compris des images de drones et des témoignages de terrain.
« Les opérations des FDR ont joué un rôle déterminant dans la conquête et l’occupation de nouveaux territoires et villes », soulignent les experts de l’ONU, ajoutant que leurs conclusions s’appuient sur des photos et des vidéos authentifiées prises notamment par drone, ainsi que sur des témoignages et du renseignement.
« Une semaine avant l’attaque de Goma, des responsables rwandais ont confidentiellement informé le groupe [d’experts des Nations unies sur la RDC] que le président [rwandais] Paul Kagame avait décidé de prendre immédiatement le contrôle de Goma et de Bukavu », ajoutent les chercheurs.
Décrivant des « incursions systématiques et massives » à la frontière entre les deux pays, ils mentionnent également un « positionnement en première ligne » des troupes rwandaises ainsi qu’un « engagement direct dans les combats » soutenu par une utilisation d’armes de haute technologie.
Le Rwanda a rejeté ces accusations, les qualifiant de déformation des « préoccupations sécuritaires de longue date » liées à la menace des FDLR (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda).
Dans de précédents rapports, le groupe d’experts de l’ONU avait déjà pointé la responsabilité du Rwanda, par des opérations militaires, dans le conflit dans l’est de la RDC. Kigali n’a jamais explicitement reconnu sa présence militaire dans la région, se limitant à justifier le maintien de « mesures défensives » en raison de la présence des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), créées par d’anciens dirigeants hutu liés au génocide rwandais de 1994 et considérées par le Rwanda comme une « menace existentielle ».
Le dernier rapport des experts de l’ONU « déforme délibérément les préoccupations sécuritaires de longue date du Rwanda liées à la menace persistante que représentent les FDLR », a réagi mercredi sur le réseau social X la porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo.
L’accord de Washington, que le président des Etats-Unis, Donald Trump, s’est félicité d’avoir obtenu, prévoit des dispositions sur « le respect de l’intégrité territoriale et l’arrêt des hostilités » dans l’est de la RDC. Mais ces déclarations de principe doivent encore être mises en œuvre.
Après la signature du texte par les ministres des affaires étrangères de la RDC et du Rwanda, les chefs d’Etat des deux pays, le Congolais Félix Tshisekedi et le Rwandais Paul Kagame, doivent se rencontrer dans les prochains mois à Washington. Parallèlement, une tentative de médiation entre Kinshasa et le M23 est en cours à Doha.
L’accord de paix comprend, par ailleurs, un volet économique encore peu détaillé dont les contours doivent être définis dans un accord distinct. Celui-ci doit notamment viser à introduire « une plus grande transparence » dans les chaînes d’approvisionnement en minerais critiques. M. Tshisekedi avait évoqué en avril un accord minier avec le conseiller américain pour l’Afrique, Massad Boulos, en visite à Kinshasa. Le président congolais a assuré lundi que « les ressources de la République démocratique du Congo ne seront jamais bradées ».
La situation en RDC reste donc complexe et fragile, avec des accusations croisées entre les deux pays et des tensions persistantes dans la région. Le rapport de l’ONU ajoute une nouvelle couche de complexité à un conflit déjà lourd de conséquences pour la population locale.
C.G avec AFP