Par Jonas Eugène Kota
Annoncé sur le départ pour l’étranger avec l’autorisation du PG Firmin Mvonde qui le poursuit pourtant, l’ancien argentier national pourrait emporter les derniers lambeaux qui restent encore de la justice congolaise à laquelle le chef de l’Etat a fait confiance après avoir l’avoir confronté à Jules Alingete, et alors que Constant Mutamba appuie sur la même pédale judiciaire après avoir obtenu de l’IGF les dossiers des prédateurs financiers de l’Etat.
Une folle rumeur a ameuté la ville haute et chauffé les réseaux sociaux, faisant état du voyage, dans la soirée de vendredi, de Nicolas Kazadi pour l’étranger alors que le procureur général près la Cour de cassation s’apprête à requérir l’autorisation pour engager des poursuites à son encontre dans l’affaire de surfacturation des forages d’eau. Aucune source, même aéroportuaire, n’a, cependant, été en mesure de certifier la nouvelle.
Congo Guardian a, tout de même, pu apprendre d’autres sources que l’ancien argentier national, aujourd’hui couvert de l’immunité parlementaire, séjourne encore à Kinshasa. Il pourrait se rendre à l’étranger pour des soins de santé, cela sur une autorisation que devrait lui délivrer le Procureur général près la Cour de cassation.
Cependant, cette version paraît surprenante lorsqu’on sait qu’au stade actuel du dossier, et n’ayant pas encore une autorisation quelconque qui lui donnerait des droits sur Nicolas Kazadi, Firmin Mvonde n’a aucun pouvoir de gérer, d’une manière ou d’une autre, les mouvements de l’ancien argentier national. L’Assemblée nationale lui avait d’ailleurs, dénié cette prérogative dans ce sens lorsqu’elle lui avait donné l’autorisation d’entendre Nicolas Kazadi au regard du réquisitoire qu’il (le PG Mvonde) avait introduit.
Nicolas Kazadi est plutôt attendu à Makala ; il ne manque plus que le MAP
Dans tous les cas, tout mouvement de Nicolas Kazadi pour l’étranger résonnerait comme une soustraction à la justice, les problèmes de santé ayant toujours été, en RDC, des parades pour des « prévenus emblématiques ». Cette sortie serait, en effet, d’autant plus suspecte qu’elle interviendrait au moment crucial où Firmin Mvonde passe à la vitesse supérieure pour fixer l’affaire après avoir clôturé les interrogatoires préliminaires qui débouchent déjà sur des arrestations.
Jeudi dernier, en effet, le PG Mvonde a délivré des mandats d’arrêt provisoire, contre l’ex-Ministre du développement rural, François Rubota, et Mike Kasenga, le patron de Stever Construct Cameroun. Les deux séjournent depuis à la prison centrale de Makala.
Ils doivent y être rejoints incessamment par l’ex-Ministre des finances et désormais député national Nicolas Kazadi dont la levée des immunités parlementaires doit d’abord être obtenue du Bureau de l’Assemblée nationale qui siège au nom de la Plénière pendant les vacances parlementaires. Est également attendu à Makala, l’opérateur économique malien Samba Bathily qui est patron de la firme Sotrad Water également impliquée dans le marché des forages surfacturés.
Au terme des auditions le jeudi dernier, le parquet près la Cour de cassation a établi l’arnaque, la prédation financière et la responsabilité de toutes les parties prenantes au marché de construction des systèmes d’adduction d’eau potable par forages à travers la République. Une « escroquerie du siècle » qui avait consisté à livrer à l’État une station de forage de 2.500 litres par heure, sans mini réseau de distribution pourtant prévu, pour un coût de 300.000 USD l’unité.
Le 27 avril 2024 dans son réquisitoire au bureau de l’Assemblée nationale aux fins d’obtenir l’autorisation d’instruction à charge de Nicolas Kazadi, qui était encore en fonction, pour l’infraction de détournement de deniers publics, le Procureur de la république avait dévoilé un pan de cette affaire sur base des éléments en sa possession en ce moment-là.
Une lourde bravade en l’air contre la justice, Félix Tshisekedi et Constant Mutamba
Nicolas Kazadi va-t-il, malgré un dossier aussi ficelé, se soustraire à la justice? C’est, en tout cas, l’appréhension que se font les observateurs qui notent cette sorte de « protection rapprochée » plutôt que « surveillance », dont jouit l’ancien argentier depuis que la mèche de la justice est remontée jusque devant ses parvis. Une fois déjà, c’est le Conseil d’Etat qui avait levé l’interdiction de sortie dont il était frappé. La Cour administrative sera suivie par l’Assemblée nationale qui interdira toute restriction des mouvements de Kazadi.
Depuis le début de ce week-end, c’est Firmin Mvonde en personne, qui est cité comme voulant lui octroyer une autorisation de sortie, quoique la rumeur est plutôt échevelée.
Une telle éventualité serait très lourde de conséquence en ce début du nouveau et dernier mandat de Félix Tshisekedi et du Gouvernement Suminwa qui donne des signaux rutilants quant à la volonté de réhabiliter la justice et lutter réellement contre la corruption et le détournement des deniers publics.
Sur la justice congolaise directement, on rappelle que dès sa prise de fonctions, le nouveau Ministre d’Etat en charge de la justice avait demandé à l’IGF tous les dossiers liés à ses enquêtes pour engager des poursuites à charge de tous les prédateurs financiers impliqués. Constant Mutamba aurait même obtenu du Conseil des ministres l’implémentation de son projet de création d’un tribunal financier pour ce faire.
Avant lui, le chef de l’Etat avait, en date du 11 mai selon notre confrère Africa Intelligent, confronté Nicolas Kazadi à l’IGF Jules Alingete au sujet de leur querelle autour du rapport de ce dernier sur le dossier des forages surfactures. Au terme de cette confrontation, Félix Tshisekedi, que Kazadi n’avait pas réussi à convaincre, avait décidé de laisser la justice faire son travail.
Nicolas Kazadi va-t-il narguer toute la République ?
Au regard de tous ces paramètres, un Nicolas kazadi échappant à la justice serait une grave bravade pour l’image même du pays, surtout du fait que, d’une part, son collègue du développement rural, qui n’était que porteur du projet, est déjà sous les verrous et que lui, Kazadi, se révèle comme la pièce maîtresse de l’affaire, d’autant plus que c’est lui qui, malgré tous les signaux et même un rapport de ses propres services, avait ordonné le décaissement, déjà, de 71 millions Usd, le plus souvent en espèces et en procédure d’urgence.
Jonas Eugène Kota