Producteur de maïs au Katanga même, dans sa ferme « Machamba » de 15.000 Ha (plus vaste que la ville de Paris), Moïse Katumbi est plutôt celui qui est limité dans sa production de maïs à cause du déficit énergétique malgré les multiples demandes introduites auprès de l’Etat. S’attaquer aussi maladroitement à un producteur agricole c’est avouer ses incapacités managériales et trahir la terreur qu’inspire un adversaire politique
Nicolas Kazadi, Ministre des finances, et Patrick Muyaya, porte-parole du Gouvernement, se sont produit en début de semaine pour tenter de justifier la crise du maïs qui affame depuis quelques mois les populations du grand Kasaï et du grand Katanga. Au cours d’une émission télé, pour le premier, et lors de son briefing hebdomadaire de presse pour le second, les deux membres du Gouvernement ont convergé pour alléguer que la pénurie à la base de la flambée des prix de la farine de maïs est causée par un blocus dont serait l’auteur un acteur politique congolais – en réalité Moïse Katumbi selon leurs descriptions – pour des fins électoralistes.
L’argentier national, celui-là même qui est censé dire aux congolais si l’Etat est incapable de financer l’agriculture ; et le porte-parole du gouvernement, celui-là même qui est censé apporté l’éclairage par la bonne information, ont donc prétendu que la rareté à la base de la spéculation sur la disponibilité du maïs en RDC est un blocus politique de Moïse Katumbi visant à soulever la population contre le pouvoir en place. Plus concrètement, Nicolas Kazadi et Patrick Muyaya, qui parlaient de candidat à la prochaine présidentielle pour ainsi désigner Moïse Katumbi dans son accusation, ont laissé entendre – sérieux comme une crise cardiaque – que celui-ci aurait influencé le Gouvernement zambien pour qu’il interdise toute exportation vers la RDC et tout transit du maïs vers la RDC.
Accuser l’individu Katumbi c’est avouer les incapacités de l’Etat
Depuis ces sorties médiatiques, l’opinion est partagée entre l’hilarité provoquée par ces arguments et le chagrin de constater combien le Gouvernement tente de dissimuler ses incapacités sous la facilité de la bouc-émissairisation. Le plus révoltant, pour certains esprits bien-pensants, c’est de voir que deux Ministres de la République usent de la pire des maladresses pour tenter de se défendre, comme s’ils cherchaient à cacher un éléphant derrière un doigt.
D’une part, en effet, accuser un seul individu d’un tel pouvoir d’influencer tout un état est un aveu de ses propres incapacités. On ne peut, en effet, pas comprendre que deux hommes d’Etat en fonction soutiennent un tel argument, surtout lorsque Nicolas Kazadi lui-même affirme que la RDC a de très bonnes relations avec la Zambie. Et lorsque le même argentier national avance que le Président Zambien n’était pas au courant du blocus qui aurait été imposé à la RDC, il devrait s’apprêter à porter la charge d’un éventuel incident diplomatique, car son affirmation insinue que ce Président ne contrôle pas ce qui se passe dans son pays, surtout par rapport à un voisin aussi proche et stratégique que la RDC.
Loin des faits, l’argentier et le narrateur du Gouvernement choisissent la spéculation politicienne
D’autre part, Les allégations du Ministre des finances sont sujettes à d’autant plus d’interrogations que l’on peut se demander où il se les est procurées. En effet, Nicolas Kazadi figurait sur l’ordre de mission qui a été conduite récemment en Afrique australe par Vital Kamerhe, mais il avait préféré garder ses bureaux climatisés de Kinshasa pendant que ses propres frères du Kasaï meurent de faim.
De son côté, le porte-parole du Gouvernement a choisi de se déliter de son rôle pour s’adonner à la spéculation politicienne face à une réalité bien palpable qui demande des réponses concrètes du Gouvernement. Dans son compte-rendu du conseil des ministres de vendredi dernier, en effet, Patrick Muyaya n’a donné aucune indication sur le rapport de la mission que Vital Kamerhe venait de conduire, simplement parce que celui-ci devait encore finaliser son rapport. Le VPM à l’économie devait, en effet, réunir la commission interministérielle ad hoc pour finaliser ce rapport qui devait aussi contenir les différentes pistes de solution.
L’on peut alors se demander d’où est-ce qu’il (Muyaya) a tiré ses accusations contre Moïse Katumbi, sinon de cette hargne à vouloir, à tout prix, terrasser un adversaire politique qui fait peur pour la prochaine présidentielle. Muyaya aura ainsi choisi délibérément de baser son narratif sur la stratégie de la bouc-émissairisation pour dégager les faiblesses de son équipe gouvernementale.
Les vérités de la crise du maïs que Kazadi et Muayaya veulent cacher
De toutes les manières, que ce soit les mensonges de Kazadi ou de Muyaya, ses postures gouvernementales de botteurs en touche ne saurons jamais voiler la vraie réalité de la crise récurrente du maïs au Katanga et au Kasaï. La vraie réalité est la quasi absence de la production intérieure, alors qu’à son investiture, le chef de l’Etat avait promis la vengeance du sol et du sous-sol. A titre illustratif, le Haut-Katanga, qui consomme au moins 700.000 T de maïs par an n’en produit que 200.000 qui, du reste, sont distribués aussi vers le Kasaï.
La suspension des exportations du maïs de la Zambie vers la RDC est due, non pas à un blocus d’une main noir, mais à la chute drastique de la production dans ce pays à cause des effets de la désertification. Ce pays, qui a aussi connu des manifestations suite à l’augmentation du prix de la farine de maïs de 3 à 15 dollars en passant par 6, 9, etc., a décidé de conserver les 20% de sa production qui était dédiée à la RDC qui, entre temps, n’avait fourni aucun effort pour évoluer vers le sevrage des importations.
Quant aux importations d’Afrique du Sud, elles connaissent la même difficulté due à la chute de production. Mais le maïs sud-africain pose un problème avec l’exploitation agricole basée sur les OGM prohibés en RDC.
Katumbi : un producteur agricole bloqué par le manque d’électricité
Quant à la situation congolaise, le manque de relèvement de la production locale relève de la responsabilité de l’Etat qui, entre autres, entretient une politique fiscale trop contraignante envers les exploitants agricoles. Le Gouvernement provincial du Haut-Katanga, l’a répété à l’intention de la mission conduite par Vital Kamerhe et qui était aussi passée par Lubumbashi.
Enfin, il faut souligner que l’actuelle crise du maïs n’est pas la première du genre, et le même Moïse Katumbi y avait fait face quand il était Gouverneur du grand Katanaga. Depuis, Katumbi Chapwe a développé ses propres investissements pour devenir, depuis 2018, un des plus grands producteurs de maïs au Katanga avec une ferme, « Machamba », de plus de 15.000 ha, soit un étendu plus vaste que la ville de Paris.
Et l’autre vérité que Kazadi et Muyaya devaient dire aux congolais est que, comme bien d’autres producteurs agricoles, le projet « Machamba » est buté à un déficit énergétique que le Gouvernement est censé combler plutôt que chercher des mains noires et des boucs-émissaires.
JEK
