Embarrassante absence des Kabila à la messe papale : Les raisons sous-jacentes

Des plus d’un million de fidèles et officiels qui ont assisté à la messe papale de ce mercredi 1er février 2023, Les Kabila ont émergé du lot par leur absence remarquée. Non pas seulement du fait de la notoriété du nom de cette famille de l’ancien chef de l’Etat, mais aussi du thème même du séjour papal en RDC : « Tous réconciliés en Jésus Christ ». Un thème qui a résonné aux quatre coins du site de Ndolo, surtout à travers l’homélie fort à propos du Souverain Pontife.

Cette absence a été à ce point remarquée qu’elle entretient, depuis, une polémique dans les réseaux sociaux. Des déclarations croisées dont certains, virulents, tranchent net avec l’appel du Pape à la paix, à l’unité et à la cohésion des congolais autour de la cause de leur destin commun.

Un fait est que cette polémique souligne d’un trait particulier une réalité dédormais immuable : qu’on les aime ou pas, les Kabila sont une entité irrémédiablement indissociable de l’histoire et de la vie de la République démocratique du Congo. Une raison pour justifier cet intérêt qui anime les congolais, même les hypocrites et les haineux, sur leurs faits et gestes. Et l’actualité papale du moment en est une preuve.

Pourquoi donc les Kabila n’ont pas fait le déplacement de Ndolo pour communier avec le représentant du fils de Dieu ? La question est bien intéressante lorsqu’on se rappelle que quelque trois jours avant l’arrivée du Saint Père, Olive Lembe Kabila, l’ex-Première Dame, s’était entretenue pendant trois heures avec le Cardinal Fridolain Ambongo.

Ambongo et Olive Lembe : Trois heures d’un entretien de tous les enjeux

Trois bonnes heures que l’Archevêque de Kinshasa, hôte du Pape pour le compte de l’église catholique de tout le Congo et de ses environs – il y a bien eu des représentants des églises catholiques du Rwanda et du Congo Brazzaville -, consacre à une fidèle, quoique de marque, en ces encablures décisives de la visite papale, il fallait bien de bonnes raisons pour cela. Même si, bien entendu, on ne peut négliger la ferveur de l’ancienne Première Dame, très dévouée dans sa foi catholique au point d’avoir eu feu le Cardinal Monsengwo comme père spirituel qui avait, en plus, célébré son mariage, puis le cardinal Ambongo comme encadreur spirituel. Surtout aussi qu’elle est en train d’offrir à son église une imposante cathédrale dont les travaux sont aujourd’hui en phase de finition à Goma. Même si, également, les Kabila, dans leur grande majorité, sont plutôt d’obédience protestante.

Que la famille de l’ancien chef de l’Etat ait marqué cette sainte célébration eucharistique du sceau de son absence, cela pousse à tourner le regard directement dans son rapport avec le régime en place. Avec, bien sûr, un coin d’œil dans le viseur des roulements des biceps qui accompagnent déjà le processus électoral.

680.000 Usd, la pomme de toutes les discordes

L’actualité de ces deux dernières semaines est, en effet, marquée par la résurgence du débat sur les honoraires de l’ancien Président de la République. Tout est reparti du dernier passage de Nicolas Kazadi, Ministre des Finances, dans une émission sur Top Congo où il avait exhumé l’affaire des 680.000 Usd d’honoraires mensuels qu’aurait touché Joseph Kabila jusqu’en cette année 2023 où le budget les aurait rabattus à 17.000 Usd équivalents à 75% du salaire du Président de la République en fonction.

Ce débat, qui est ainsi relancé avec des extraits de documents bancaires qui ont également revu le jour dans des réseaux sociaux où ils avaient (les mêmes) déjà circulé autour de mars 2021, est manifestement mal vécu par les kabila, et cela pour plusieurs raisons.

D’abord par l’opportunité de la relance de ce débat qui coïncide avec la période électorale où le camp kabiliste pose des préalables pour se lancer. Les observateurs croient comprendre que la relance de cette affaire des faramineux honoraires de Kabila serait l’initiative des officines tshisekedistes pour discréditer les irréductibles de la kabilie, cela par rapport avec la perspective des élections. Leur position est, en effet, soupçonnée d’être l’une des causes du faible taux d’enrôlement des électeurs (moins de 50%) dans l’aire 1. La période d’enrôlement y a, d’ailleurs, été prolongée de pratiquement un mois alors que l’on s’attendait à des ajustements de quelques jours et au cas par cas, selon les difficultés spécifiques à chaque centre d’enrôlement.

L’occurrence, en cette période, de l’affaire des 680.000 Usd d’honoraires de Joseph Kabila porte, cette fois-ci un seau d’officialité en ce qu’il a été relancé par un Ministre en fonction, mais dans une démarche qui ne diffère guère des motivations précédentes. En effet, la précédente actualité sur le même sujet remonte au moment de la rupture de la coalition FCC-CACH qui voit monter une mono puissance exclusivement tshisekediste.

Ce moment de renversement politique de la majorité s’accompagne de plusieurs stratagèmes pour discréditer la majorité parlementaire et son autorité morale afin de légitimer le nouvel ordre.

La stratégie de mise à mort pour faire imploser la coalition FCC-CACH

Tous les éléments du moment indiquent que le coup sur ces honoraires faramineux fait partie de ce stratagème qui a plutôt bien fonctionné. Attribuer à Kabila un tel montant mensuel, de surcroit par un gouvernement dirigé par un Premier ministre de son obédience n’a rien de différent de l’odeur du sang pour les requins.

Mais la base de l‘affaire es totalement vide, car elle n’est fondée sur aucun élément factuel vérifiable. Le document diffusé dans les réseaux sociaux n’est qu’un bout d’un papier avançant des montants libellés, sur un même document, en deux monnaies différentes ; et aucun service ni aucune institution n’en établi l’authenticité.

On va découvrir plus tard une loi et un décret du Premier ministre qui prévoient qu’un ancien Président de la république touche des honoraires équivalents à 30 % des émoluments du chef de l’Etat en fonction.

De ce fait, si les 680.000 Usd attribués à Kabila font scandale, qu’en aurait-il été si les congolais avaient appris que, selon les calculs, le Président en fonction touchait un salaire mensuel de Usd 2.266.666,666 ?

Aujourd’hui encore, lorsque Nicolas Kazadi revient sur le même montant et parle de réduction du train de vie des institutions en n’utilisant que ces chiffres auxquels il ajoute leur rabattement jusqu’à 17.000 Usd représentant 75% du salaire de Tshisekedi, le camp kabiliste subodore le même coup. Car, l’argentier national n’apporte aucun élément documentaire à l’étai de ces déclarations qui tendent à conférer une certaine authenticité aux 680.000 Usd de 2021. Kazadi parle de lois alors que les honoraires de l’ancien chef de l’Etat sont fixés par un décret du Premier ministre et qu’à ce jour, celui de 2018 signé par Bruno Tshibala est toujours en vigueur.

La colère d’Olive Lembe et le trophée de la tshisekedie

Ce détricotage de la démarche de diabolisation dans une période électorale aussi suspecte ne pouvait donc pas laisser la kabilie indifférente. Et Olive Lembe Kabila, qui a l’habitude de laisser traîner ses crampons sur certains moments de l’actualité nationale, est sortie, cette fois-ci, du silence pour réclamer des comptes à tous ceux qui attribuent des honoraires aussi faramineux à son époux. Surtout qu’en fait d’honoraires, ceux-ci, dont la hauteur réelle demeure un mystère pour des raisons évidentes (révélez la et vous révélez le salaire de Tshisekedi), n’a plus été versé depuis près de deux années.

De fil en aiguille on en arrive à un sentiment de frustration et de révolte face à cette sorte de persécution d’opinion que les Kabila auraient décidé de ne pas laisser passer, et ils l’auraient manifesté de manière à ce que cela ne passe pas inaperçu. Les trois heures d’entretien entre le Cardinal Ambongo et Olive Lembe ne sont donc pas étrangères à cette situation particulièrement embarrassante pour l’église catholique du Congo par rapport au thème du séjour papale à Kinshasa.

Le Cardinal Ambongo doit avoir usé de tous ses moyens pour arrondir les angles, le temps de la visite, mais ses efforts doivent avoir été plombés par cette autre campagne politique autour de cette visite du chef de l’Etat revendiquée comme un trophée qui doit garnir le bilan de Tshisekedi, et les Kabila auraient refusé de figurer dans sa vitrine.

Jonas Eugène Kota

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