Le Président de la République est arrivé ce lundi 19 septembre 2022 à New-York pour participer à la 77e session de l’Assemblée générale de l’ONU qui s’est ouverte le 13 septembre dernier sous le thème ; « Un tournant décisif : des solutions transformatrices face à des défis intriqués ». Une session de tous les enjeux pour la République démocratique du Congo dont les efforts diplomatiques devraient pouvoir connaître leur dénouement ici.
En effet, c’est ici à New-York que le Conseil de sécurité a adopté sa dernière résolution en dossant le rapport des experts onusiens indépendants sur la collision entre le M23 et le Rwanda ; ici que la SADC s’est fixée rendez-vous pour mener son plaidoyer annoncé lors de son récent sommet à Kinshasa ; ici également où doit se dire le fin mot des initiatives de Nairobi et de Luanda qui ne produisent encore rien sur terrain, etc. Buté aux maigres résultats des offensives militaires, Kinshasa compte ainsi faire bouger les lignes sur le front diplomatique.
Dans son agenda, en effet, Félix Tshisekedi n’a certainement rien d’autres que son offensive visant à décrocher une plus forte implication de la communauté internationale pour la pacification de l’Est de son pays en proie aux activités des groupes armés locaux, des groupes terroristes (ADF) ainsi que de la subitement puissante rébellion du M23 lourdement soutenue par le Rwanda.
Et dans sa démarche, le chef de l’Etat congolais est sous pression de sa propre opinion interne qui n’en peut plus de la poursuite de ces conflits qui, depuis au moins trois mois, a fait perdre au pays un pan de son territoire aujourd’hui sous contrôle du tandem M23/Rwanda : Bunagana. Une situation qui est venue raviver la grande problématique de l’efficacité de l’Etat de siège instauré depuis plus d’une année, sans résultats notables au regard de la poursuite des tueries au Nord-Kivu et en Ituri.
L’agenda de Fasthi à l’ONU
A New-York, Félix Tshisekedi compte faire tirer les conséquences du rapport des experts indépendants de l’ONU, notamment des mesures concrètes contre le M23 ; la condamnation formelle du Rwanda et des mesures coercitives pour son retrait de la RDC, sans oublier les suites du sort de la Monusco dont Kinshasa a déjà demandé la révision du plan de son retrait qui devrait se terminer à l’horizon 2024.
Dans la même démarche, le Président congolais ne manquera pas d’actionner divers partenaires pour obtenir l’annulation de l’obligation de déclarer préalablement ses achats d’armes et de munitions au Comité des sanctions, une obligation considérée par Kinshasa comme le prolongement de l’embargo sur l’achat d’armes.
Jusqu’où pourra aller Félix Tshisekedi dans sa chevauchée diplomatique et qu’espère-t-il ramener de New-York, ce cénacle diplomatique foncièrement miné par des intérêts et des agendas cachés ? Dans sa toute dernière interview à RFI et France 24 dimanche dernier, le Secrétaire Général de l’ONU a fait des déclarations qui jettent une nouvelle lumière sur la lecture qui se fait aujourd’hui sur le bourbier sécuritaire congolais et la nouvelle stratégie qui devrait être mise en plan.
L’ONU veut faire le Ponce Pilate
Rien de particulièrement nouveau, du moins sur le fait que l’ONU, comme bien de ses puissances membres, retient que la problématique de la paix dans les Grands Lacs est globale et qu’elle devrait être abordée essentiellement dans un dialogue triangulaire entre Kinshasa, Kampala et Kigali. Un dialogue plusieurs fois initié dans le passé, y compris à l’initiative de l’ONU, mais qui n’a jamais produit de résultat en raison des agendas cachés et du manque de sincérité des protagonistes.
Aujourd’hui, Antonio Guterres a développé une logique totalement nouvelle qui veut que l’initiative de l’imposition de la paix – après le maintien de la paix dont il a déclaré l’impuissance de l’Onu face à la puissance de feu décuplée du M23 – reviennent désormais aux africains sous l’égide de l’Union Africaine, l’Onu devant désormais s’en tenir à financer cette initiative. Bref, une logique qui ramène les efforts de paix presque vingt années plus tôt alors que les efforts de ces époques avaient permis de faire avancer les choses jusqu’à ce que l’ONU résolve de transformer sa mission de rétablissement de la paix (Monuc) en maintien et consolidation de la paix (Monusco).
Minerais contre paix, la RDC entre le marteau et l’enclume
En termes clairs, l’ONU, selon la logique prônée par son Secrétaire Général, voudrait faire l’impasse sur sa propre obligation de considération de la nouvelle donne pour reconfigurer sa mission, notamment sur pied du chapitre 7 de sa Charte. Même si, on le sait, l’organisation mondiale a encore un œuf à peler avec Kinshasa qui ploie sous la pression de son opinion qui veut voir partir définitivement les casques bleus pour cause de déficit de résultat.
En tout état de cause, Félix Tshisekedi se rend à New-York sur un terrain diplomatique miné. Sans compter les agendas cachés des puissances occidentales, à l’instar des USA qui font désormais pression sur la RDC en exigeant l’éviction, à leur profit, des chinois des gisements de cobalt de Lithium afin de leur permettre d’organiser leur transition énergétique.
Jonas Eugène Kota