Les goûts, les couleurs et PEPSI/Maluku : Une affaire de tradition industrielle et de respect du consommateur

Dans cette polémique sur le goût de la boisson gazeuse PEPSI, que certains croient inutiles, il se joue une sérieuse question d’image et de crédibilité que l’on ne devrait pas prendre à la légère, soit en blâmant ceux qui s’expriment et se plaignent, soit en trouvant en eux des ennemis de la patrie – on est donc allé si loin ! – parce qu’ils seraient entrain de combattre la politique nationale de diversification de l’industrie par les Zones économiques spéciales (ZES).

Julien Paluku dans une contre-offensive d’autodéfense

Julien Paluku, Ministre du commerce extérieur, a, en effet, dénoncé ce qu’il considère comme une « campagne de sape » contre cette marque sans dire de la part de qui et pour quel intérêt. Même s’il a , ensuite, soutenu que ce serait de bonne guerre dans la sphère commerciale à chaque fois qu’une nouvelle société ou une nouvelle marque débarque.

« Ce que je sais, c’est qu’il y a une campagne de sape qui est faite, c’est tout à fait normal, c’est la concurrence », a déclaré Paluku avant de reprendre : « on ne peut pas investir autant des millions pour produire des choses qui vont faire mal à la population. Ces produits ont été certifiés », avant d’ajouter comme pour rassurer encore que « ce n’est pas une entreprise qui se recherche. Une société qui fabrique des produits toxiques, sinon on va lui retirer la cotation et ça va lui être très grave ».

Ancien ministre de l’Industrie ayant conduit ce projet de zones économiques spéciales qui est à sa phase pilote à Maluku, Julien Paluku ne pouvait se sentir que légitimement en droit de défendre son œuvre en pensant qu’elle était combattue. Il ne reste,  cependant, pas moins que cette question pose à la fois la problématique de la conformité aux normes (cfr OCC) sur les produits venant de la RDC, et de la sécurité sanitaire au-delà des emplois créés, car il y va aussi de la crédibilité du produit issu de la ZES Maluku.

Remember Guinness et Bralima

À titre de rappel, dans les années 90, les consommateurs kinois de la bière brune Guinness s’étaient plein de son arrière goût amer, et cette plainte avait été confirmée par un sondage mené par la Bralima qui la produisait en RDC.

Malgré cette confirmation de la plainte, la multinationale britannique Diageo, propriétaire de la marque Guinness et N°1 mondial de la production et la commercialisation de vins, alcools et spiritueux, s’était opposé à toute modification du goût de Guinness car il s’agit d’une marque dont la spécificité se trouve, entre autres, dans cet arrière goût amer.

Il en fut ainsi et, pour ne pas encaisser des manque à gagner, la Bralima fut obligée d’abandonner Guinness pour embrasser la Legend, qui est un peu plus sucrée, afin de ne pas perdre le marché de la bière brune.

PEPSI en concurrence contre PEPSI, ne tirez pas sur le consommateur !

Bref, il ne s’agit pas d’une simple question de goût, mais d’une réalité plus vaste impliquant des traditions industrielles et commerciales, mais aussi et surtout, et même avant tout, le respect du public consommateur qui, après tout, est Roi. Ceci d’autant plus qu’en fait, PEPSI n’est pas un nouveau produit sur le marché congolais et qu’à ce titre, on assiste à un antagonisme inédit d’un produit contre lui-même sur un même marché.

Rien à voir donc avec une concurrence commerciale alléguée par le ministre Paluku.

Si une personne d’un certain âge aujourd’hui ne retrouve pas le PEPSI de son enfance dans le cru de Maluku, il faut bien l’écouter, car c’est là la marque de respect qu’on doit lui vouer. Après la clameur publique sur ce « goût étrange » de PEPSI made in Maluku, le réflexe aurait dicté à Julien Paluku de rameuter tous les services étatiques congolais, dont l’OCC, pour retourner vers le producteur en ayant pris soins de suspendre la poursuite de la production jusqu’à nouvel ordre.

JEK

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