Indemnités de Kabila et émoluments de Tshisekedi : La fumigation de Nicolas Kazadi

Si, selon l’argentier national, Joseph Kabila touchait 680.000 Usd mensuel équivalent à 30% des émoluments de Félix Tshisekedi, alors celui-ci gagnait mensuellement 2.266.666,666 Usd le mois. Dans l’intention d’enjoliver les scandales financiers des institutions en cette année électorale, Nicolas Kazadi a tenté maladroitement de faire dire aux lois ce qu’elles ne disent pas, et même d’en inventer sans en donner les preuves de leur existence.

Pour la première fois depuis quatre ans, un officiel vient de lever un coin de voile sur les émoluments du Président de la République en fonction. Non pas dans le sens de dissiper les suspicions longtemps entretenues – le chef de l’Etat lui-même a refusé de le dévoiler – mais manifestement pour épaissir le flou, et cela pour des raisons faciles à deviner dans le contexte de l’année électorale qui s’ouvre.

Seulement, Nicolas Kazadi – puisque c’est de lui qu’il s’agit – a tout mis dans son montage, sauf le réalisme qui lui prive (le montage) du vraisemblable. Face à Christian Lusakweno au cours d’une émission qui fait encore le buzz dans les réseaux sociaux, le Ministre des finances, a égrainé des phrases plutôt abracadabrantesques qui bousculent à la fois les lois et les faits.

L’argentier national avance, en effet, ce qui suit, en substance : « Dans le budget 2023, on a réduit tout ce qui est payé dans le cadre de l’honorariat (anciens chefs d’Etat, anciens chefs de corps, etc.). On a réduit de manière drastique. Aujourd’hui, l’ancien Président de la République, à l’instar de Joseph Kabila, va toucher 75% de ce que touche le Président en fonction. Ce que touche le Président en fonction (en montants bruts) est inférieur à ce que touche le Premier ministre. On est dans l’ordre de 17.000 dollars ».

Et de poursuivre : C’est vrai qu’il y a à côté de cela des avantages en nature, le droit à la sécurité, le droit à un véhicule, des billets d’avion. Globalement, cela n’a plus rien à voir avec les 680.000 dollars mensuels que l’ancienne loi accordait à l’ancien Président ».

En prévision des élections, l’argentier national tente d’enjoliver les scandales financiers des institutions

Sur le coup, cette rafale de « révélations » résonne comme le fruit de gros efforts de compression budgétaire dans le sens de la réduction du train de vie des institutions. Un point sur lequel, l’institution Président de la République, le parlement et le Gouvernement ont, de tous les temps, toujours été stigmatisés.

Mais lorsqu’on se retrempe dans le contexte, on débouche sur une épaisse fumigation qui tire la cause justement dans ce contexte. En effet, l’argentier national parle début janvier 2023, en début d’une année électorale. Une période où l’on assiste à une entrée fracassante en campagne ; un moment où les états-majors se lèvent pour enjoliver le bilan.

Le contexte est aussi celui des évaluations des partenaires internationaux du Congo, dont les institutions de Breton Woods. Mardi dernier, le Directeur pays de la Banque mondiale a livré son évaluation, plaçant son curseur sur la corruption qui a connu de beaux jours en 2022. Une appréciation pas du tout du goût de Jules Alingete, patron de l’IGF, qui, depuis, est dans tous ses états…

La fumigation de Nicolas Kazadi

La réalité – la vraie – des faits, des chiffres et des lois dégage une réalité toute différente que Nicolas Kazadi a délibérément voulu occulté, mais tellement maladroitement qu’il a produit l’effet contraire. En effet, lorsque Kazadi parle de 75% de ce que touche le chef de l’Etat en fonction, il omet de dire en chiffre ces émoluments de Félix Tshisekedi. Mais il indique plus loin que Félix Tshisekedi va toucher, en 2023, des émoluments autour de 17.000 Usd, cela en comparaison avec ceux du Premier ministre qu’il dit être plus élevés que le salaire du Premier citoyen congolais.

Là Nicolas Kazadi prend le contre-pied des principes universels des salaires qui retiennent qu’un supérieur a un traitement plus élevé que ses subalternes ; à moins, bien entendu, que la RDC ait ouvert une première sur l’humanitaire avec les rémunérations des animateurs des institutions publiques.

Ce que les congolais ont retenu du message sous-jacent de leur argentier national est que celui-ci a tenté de nettoyer la réalité des hauts salaires ancrée dans l’imaginaire collective, cela pour préparer le terrain électoral. Mais il le fait si mal qu’il va jusqu’à faire dire aux lois ce qu’elles ne disent pas.

Par exemple lorsqu’il prétend que la nouvelle loi va accorder à l’ancien Président 75% de ce que gagne le Président en fonction. A ce jour, il n’existe aucune nouvelle disposition légale qui porte ce pourcentage à ce niveau. En effet, le texte légal qui fixe les émoluments du chef de l’Etat honoraire est un décret du Premier ministre et non une loi. Et le décret en vigueur porte le numéro 18/037 du 24 novembre 2018 et détermine les modalités d’octroi des honneurs et des avantages complémentaires aux anciens présidents de la République élus.

L’indemnité de l’ancien chef de l’Etat vaut 30% des émoluments du Président de la République en fonction

Ce texte fixe les honoraires de l’ancien chef de l’Etat à 30% du traitement du Président en fonction. Un traitement que Nicolas Kazadi s’est délibérément gardé de révéler.

L’article 4 du décret sus-évoqué stipule, en effet, qu’en plus d’une « Indemnité mensuelle estimée à 30% des émoluments du Président de la République en fonction », l’ancien chef de l’Etat élu a droit respectivement à :

1. Une habitation décente fournie par l’Etat ou une indemnité mensuelle de logement estimée à l’équivalent de 20 000 USD (vingt mille dollars américains en franc congolais) ;

2. Un passeport diplomatique pour lui-même, son conjoint et ses enfants mineurs ;

3. Un titre de voyage par an, en business class, sur le réseau international, pour lui-même, son conjoint et ses enfants mineurs ;

4. Cinq véhicules pour usage personnel et domestique, renouvelables deux fois tous les cinq ans ;

5. Un service de sécurité doté de moyens logistiques appropriés comprenant l’équivalent de 30% de gardes du corps d’un chef de l’Etat en fonction (les éléments de sa suite et de la section chargée de la garde de sa résidence);

6. Un personnel domestique dont le nombre équivalent à 30% des personnes commises au service du chef de l’Etat en fonction ;

7. Des locaux faisant office de bureaux pour lui-même et pour son secrétariat dont le nombre ne peut dépasser 30% du personnel du chef de l’Etat en fonction ;

8. Une dotation mensuelle en carburant de 1 000 litres.

Quant au montant de 680.000 Usd attribué depuis plusieurs années au Président honoraire comme traitement mensuel, Nicolas Kazadi, qui le soutient, n’en donne pas le soubassement légal. On se souvient seulement qu’en mars 2019, les internautes avaient vu débarquer dans les réseaux sociaux un « Titre de paiement transféré à la Banque centrale du Congo » qui portait ce montant. Après vérification, il s’avèrera que ce document était sorti de l’armée numérique d’une officine politique bien identifiée qui avait amorcé la campagne contre la coalition FCC-CACH qui venait de se mettre en place. L’objectif « tait d’effaroucher Félix Tshisekedi en le mettant en porte-à-faux contre une certaine opinion qui ne portait plus Joseph Kabila. Et le manège, associé à d’autres coups, avait porté ses fruits.

Comme Nicolas Kazadi aujourd’hui, cette officine avait perdu de vue que si Joseph Kabila touchait effectivement 680.000 Usd mensuel équivalant à 30% des émoluments de Félix Tshisekedi, alors celui-ci touchait mensuellement 2.266.666,666 Usd.

Jonas Eugène Kota

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