De soldat à paria, Jean-Marc Kabund entraîne l’Udps dans l’auto-reniement

La violente sortie médiatique, lundi dernier, de Jean-Marc Kabund a sorti son parti, ou du moins certains de ses hauts cadres parmi les extrémistes, de ses gongs. Même si ces derniers parlent d’un non-événement, ce discours cache mal combien ils ont accusé le coup face à la virulence du discours de l’ancien soldat Kabund contre leur chef de fil. Et leur promesse de le déballer dans un très proche avenir en est bien la démonstration.

En attendant, Peter Kazadi, certains autres cadres et même le tout puissant Secrétaire général Augustin Kabuya font savoir que leur ancien Président a.i avait été chassé du parti pour impolitesse – surtout à l’endroit du Président de la République lui-même – et violence aussi bien en interne que vis-à-vis du peuple.

Le parti présidentiel promet ainsi de se faire la vedette de l’actualité politique dans un avenir très proche. Pas nouveau pour les observateurs vis-à-vis de l’Udps qui, dans un cas comme dans un autre, n’a toujours pas su sauter le pas pour se mettre dans les habits d’une véritable force politique à la dimension de ses responsabilités d’Etat.

Mais jusqu’où n’irait-elle pas dans cette nouvelle sarabande qui, tout au plus, n’aura que le mérite – dans l’immédiat – de « divertir » le public tant cette crise interne et privée ne devrait avoir aucun impact sur le vécu quotidien des Congolais et les défis majeurs qui assaillent leur pays ? Ce ne sera, d’ailleurs, pas la première fois que l’Udps va se livrer à ce genre de spectacle, à la différence que, dans le cas présent, l’on assiste à un auto-reniement de part et d’autre.

Quand Kabund se fait hara-kiri et entraîne l’Udps dans sa chute

En effet, si, d’une part, Kabund croit avoir porté un grand coup de com’ en adoptant un discours susceptible de lui attirer quelque sympathie pour son avenir, il ne reste pas moins, d’autre part, qu’il s’est fait hara-kiri en dénonçant les dérives auxquelles il avait largement pris part, si pas comme chef d’orchestre, du moins comme témoin plus que privilégié. Que Kabund parle de dérive totalitaire et autocratique, de relents tribaux et népotistes, d’escroquerie d’Etat avec le RAM, etc., nul n’ignore le rôle quasi central qu’il aura joué dans l’occurrence, en plein exercice du mandat de son parti politique au sommet de l’Etat, de toutes ces antivaleurs que le parti de feu Etienne Tshisekedi disait combattre.

Déjà après l’investiture de Tshisekedi, c’est Jean-Marc Kabund qui signe, avec Néhémie Mwilanya, la déclaration reconnaissant au FCC la majorité au Parlement et invitant le Président de la République à accomplir le devoir de sa charge en nommant un Premier ministre issu de la famille politique kabiliste. La Constitution prévoir pourtant que cet exercice revienne à un informateur. Dès ce moment, l’Udps pose le tout premier pied sur la Constitution, et la suite n’y coupera pas. De la recomposition de la Cour constitutionnelle au renversement de la majorité parlementaire en passant par la manipulation de la justice pour réprimer des adversaires politiques, etc., le pouvoir Udps s’est, manifestement, interdit toute limite…

Quelques mois avant, c’est ce même Kabund, alors Secrétaire général du parti, qui enjoignit Tshisekedi de retirer sa signature de l’accord de Genève désignant Martin Fayulu comme candidat unique de l’opposition à la présidentielle, sous peine de destitution de ses charges de Président du parti. C’est ce même Kabund qui va, plus tard, recevoir de ce dernier, devenu Président de la République, une procuration spéciale faisant de lui Président a.i du parti, poste qui n’est prévu nulle part dans les statuts de l’Udps.

Commence alors une crise larvée au sein du parti entre les légalistes (Victor Wakwenda, Jacquemin Shabani, etc.) et les faucons tels que Peter Kazadi, Augustin Kabuya, devenu Secrétaire général, et d’autres qui vont se ranger dans le camp de Kabund. Aujourd’hui, c’est curieusement ce camp des inconditionnels qui promet de le déballer.

De toutes les batailles pour renverser la majorité FCC et « suprématiser » le pouvoir Udps

Lorsque le Président a.i de l’Udps devient Premier Vice-Président de l’Assemble nationale et qu’il revêt les auripeaux du pouvoir, la fête est au paroxysme autour de lui. Pour que nul ne l’ignore, certains – Comme Kazadi et Kabund – vont jusqu’à se faire attribuer des soldats de la Garde républicaine pour leur protection alors que leurs statuts ne leur en donnent pas le droit.

Ce bloc Udps autour de Félix Tshisekedi va ainsi évoluer jusqu’au moment de la turbulence dans l’alliance avec le FCC. Tout part des escarmouches de droit sur les véritables pouvoirs exécutifs du chef de l’Etat face au Premier ministre issu de la majorité. Les choses s’enveniment au moment de décider de l’instauration d’un état d’urgence pour lutter contre le Covid-19. De profondes divergences apparaissent quant à savoir si cette instauration doit être autorisée par le congrès ou par simple consultation entre le Président de la République et les chefs de corps (Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi que Premier ministre).

Ici encore, c’est le soldat Kabund qui prend les devants pour ouvrir une fronde médiatique conte le bureau de la chambre basse, dont il est pourtant le numéro 2, avec une fixation particulière contre sa Présidente, Jeanine Mabunda Lioko. Lorsqu’il accuse ses collègues d’avoir monté un budget de plus de 7 millions Usd pour un congrès d’une seule séance, Kabund atteint le point de non-retour.

Jean-Jacques Mamba, Député du MLC qui est pourtant proche de l’Udps, décoche une motion contre lui pour ses propos qui, de son avis, ont exposé tous ses collègues au mépris du public. Malgré l’agitation de ce dernier et de ses inconditionnels – notamment en soudoyant certains signataires de la pétition pour qu’ils retirent leurs signatures -, la motion finit par passer au vote et Kabund est déchu.

Croisade mortelle sur le Palais du peuple

Dans le camp tshisekediste, cette déchéance est vécue comme un ultime casus belli. Commence alors la guerre politique qui va aboutir au renversement de la majorité parlementaire dans les conditions que l’on connaît. Dans cette bataille, Jean-Marc Kabund, pourtant devenu simple Député, est le maître d’orchestre. C’est lui que l’on voit à la tête de hordes de « combattants », à pied ou motorisés, pour prendre d’assaut le Palais du peuple et désacraliser cet antre de la démocratie (image d’illustration). C’est, en effet, ici que, plus de vingt ans plus tôt, Etienne Tshisekedi fut élu Premier ministre à la Conférence nationale souveraine.

Dans leur furie, les « combattants » tiennent tête au dispositif policier pendant que le « commandant » Kabund toise sans considération les officiers supérieurs de la police. Une vidéo de l’époque le montre, en effet, en train d’invectiver, de son doit menaçant, le Général détaché ici pour protéger les installations du Palais du peuple.

Au bout du compte, la horde de Kabund finit par défoncer les barrières. Dans la bousculade qui s’en suit, un Député pique une crise avant d’aller mourir à l’hôpital du Cinquantenaire. Bien entendu, dans ce cas comme dans bien d’autres avant et plus tard, le pouvoir Udps va nier toute responsabilité, mettant ce souc à charge du peuple sous prétexte que celui-ci se prend en charge.

Qu’à cela ne tienne, les événements qui vont suivre montreront le rôle central que joue le Président a.i de l’Udps jusqu’à la création de l’Union sacrée et au renversement effectif de la majorité FCC. C’est lui, Kabund, qui coordonne le débauchage, à coup de billets verts, dans le camp de la majorité FCC. C’est également lui qui coordonne le contact avec les instances judiciaires, dont la Cour constitutionnelle, dans la même démarche.

Jouant aussi la carte de l’Udps, Jean-Marc Kabund conduit, toujours avec le soutien des faucons du parti, le bataillon des « parlementaires debout » qui mènent une fronde sans merci contre le FCC et son chef de file, Joseph Kabila. Exit l’époque angéliste où ce dernier était le bienfaiteur de l’Udps qui traita de sorcier quiconque se permettait de s’en prendre à lui. Ces « parlementaires debout » en furie vont mener une campagne médiatique sans retenue, au point même où l’un d’entre eux s’en prendra à Jeanine Mabunda jusque dans sa féminité.

« Copains comme cochons » sur le miel du pouvoir

Au bout du compte, le soldat Kabund va être remis en scelle en se faisant réélire comme Premier Vice-Président de l’Assemblée nationale. Un promontoire par lequel il va se déchaîner et se livrer à toutes les licences dans l’indifférence totale de ses proches du parti devenus tous des bonzes. Pendant ce temps, les « combattants » embouchent la trompette des laissés-pour-compte, eux qui, comme une brouette dans un chantier, sont abandonnés dans la rue après avoir donné jusqu’à leur vie, pour certains, afin que leur parti arrive au pouvoir.

Sous la houlette de Jean-Marc Kabund donc, les « régimistes » se montrent sans limite dans leur soif de s’affirmer et d’affirmer leur pouvoir. Tel le cas de la taxe RAM, décriée unanimement par la population, qui finit par être débattue à l’Assemblée nationale malgré les manœuvres de Christophe Mboso qui gela la motion pendant plus d’une session sous prétexte d’un moratoire sur le contrôle parlementaire jamasis décidé par la plénière souveraine.

Quand le Ministre des PTNTIC, Augustin Kibassa, finit par se présenter à l’Assemblée nationale, la dynamique de la plénière, majoritairement USN, est sans pitié pour lui. Des recommandations vont jusqu’à demander une défiance contre lui.

Dans l’entre deux plénières, la majorité USN réussit, dans un premier temps, à dégager au moins une semaine de répit pour Kibassa alors qu’il n’avait que 48 heures pour revenir devant la représentation nationale. Dans cet intermède, l’Union sacrée affute ses moyens, et au cours d’une réunion privée au Fleuve Congo Hôtel, c’est Kabund – selon les éléments sonores qui en fuitent – qui insiste auprès des députés pour sauver le soldat Kibassa. On l’entend clairement dire que la taxe RAM est une affaire de l’ARPTC qui relève directement du chef de l’Etat. Une façon de dire que c’’est le chef de l’Etat qu’il faut tirer de cette mauvaise passe.

Bien évidemment, la réunion va se terminer par la distribution de l’argent, et c’est sans surprise que, lors de la plénière fatidique, le Ministre des PTNTIC, houspillé à la précédente plénière, va être applaudi frénétiquement.

Tous unis par le passé commun

Ce parcours épique de Jean-Marc Kabund montre à quel point l’homme agissait en parfaite connaissance de sa famille politique et, partant, de leur chef de file devenu Président de la République. L’occurrence des faits et leur déclinaison démontrent que tous ont tiré profit du rôle joué par Kabund à toutes les étapes de leur combat politique depuis Genève.

N’eût été l’altercation routière entre ce dernier et la sœur du Président Tshisekedi, nul doute que cette complicité idyllique allait avoir de beaux jours encore, surtout que l’on approchait des turbulences électorales qui allaient nécessiter un resserrement des coudes. Plusieurs fois avant et sur la même route des Poids Lourds, en effet, le cortège de Kabund crevait les roues des autres véhicules tout en terrorisant conducteurs et passagers dans un silence assourdissant de sa famille politique. Ces exactions se commettaient souvent alors qu’il se rendait aux plénières de l’Assemblée nationale où personne ne l’interpellait.

Si l’Udps et ses bonzes vont déballer Kabund très bientôt, il est clair que le parti présidentiel se livrera là à son exercice de prédilection : nier toute responsabilité. A cette différence, cette fois-ci, qu’il se livrera à une auto-dénégation, sans la moindre garantie de convaincre même les « combattants » aujourd’hui écartelés entre le devoir de loyauté au parti et l’attente des dividendes du pouvoir, pendant une petite caste des cadres se la coulent douce.

Cadet de tous les soucis au milieu de tout ceci, le « peuple » appréciera.

JDW

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