Les Congolais vivent mal la dernière résolution du Conseil de sécurité reconduisant le dispositif d’obligation de notification imposée à leur pays sur l’achat d’armes. Un dispositif qui, aux yeux des Congolais, n’est qu’un euphémisme qui cache à peine le maintien de l’embargo proprement dit, supposé avoir été levée par une résolution de 2008. Cette nouvelle résolution résonne ainsi comme une bien maigre moisson diplomatique face au double contexte de son occurrence.
Les causes de la débâcle diplomatique
D’abord le contexte de la réalité de terrain caractérisée par deux évidences incontestable. Il s’agit, d’une part, de la résurgence de la rébellion du M23 défaite depuis bientôt dix ans mais qui revient en force. En effet, dans son rapport sur la situation sécuritaire à l’Est de la RDC, la Représentante spéciale du Secrétaire général de l’Onu et patronne de la Monusco, Bintou Keita, avait déclaré devant le même conseil de sécurité que ce M23 dispose de moyens militaires d’une véritable armée.
Il s’agit, d’autre part et en corolaire de cette déclaration, de l’évidence de l’implication du Rwanda aux côtés du M23.
Ensuite le contexte de la diplomatie congolaise qui, à en croire le discours répandu à (et par) Kinshasa, serait assez aguerrie aujourd’hui pour fédérer des appuis conséquents. Le dispositif de la résolution 2641 (2022) en constitue un cinglant démenti. Pour preuve, par exemple, la représentation émiratie à l’ONU, qui a voté pour la résolution, s’était désolée de ce que les pays de la région n’aient pas dégagé un consensus sur la situation sécuritaire à l’Est de la RDC pour constituer un bloc suffisamment persuasif.
Comment expliquer, par ailleurs, que la Belgique – avec laquelle la RDC semble développer des relations beaucoup plus proche, n’ait pas opposé ne fût-ce que son attention ? Comment ne pas se poser la même question avec les Etats-Unis dont le Président, Joe Biden, venait d’écrire – quelque 72 heures seulement avant le vote fatidique – à son homologue congolais, Félix Tshisekedi, pour se féliciter des « relations privilégiées » qui lient leurs pays aujourd’hui ?
Autant de questions et de contradictions qui ramènent à la surface la réalité des relations internationales qui, chevillées aux intérêts, ne s’accommodent pas d’amitiés ni des fraternités. Une réalité qui convainc légitimement les observateurs avertis et objectifs que Kinshasa aura certainement pêché, si pas par un excès de confiance, du moins par un angélisme dans un monde impitoyable jusqu’à lénifier sa posture diplomatique au moindre appel à la désescalade pendant que l’ennemi continue de fourbir ses armes aussi bien sur les fronts aussi bien militaire que diplomatique.
Boulevard pour la commisération internationale au profit du tandem M23-Kigali
Bref, Brazzaville, Luanda et deux fois Nairobi n’ont, manifestement, rien rapporté au regard, d’une part, de cette reconduction tacite de l’embargo et, d’autre part, du vent en poupe du tandem Kigali-M23 qui profite allègrement de son réalisme face à la commisération – devenue légendaire – de la communauté internationale en sa faveur. Réalisme, c’est bien ce qui fait défaut à la machine diplomatique de la République démocratique du Congo qui, aux termes de la nouvelle résolution du Conseil de sécurité, continue de se voir maintenir pieds et poings liés face à l’adversaire qui a tout le loisir d’assener ses coupes, même en bas de la ceinture s’il lui en vient l’envie.
C’est, d’ailleurs, à cela que s’adonnent le Rwanda et le M23 dans l’indifférence caractérielle de la communauté internationale. On ne peut, en effet, pas en dire autrement, comparé à la mobilisation de cette même communauté internationale dans le dossier Ukraine-Russie.
Ce n’est pas une fatalité
Pour autant, la RDC ne devrait pas se laisser abattre par ce qui passe pour une fatalité, même si le prochain round au Conseil de sécurité est prévu pour l‘année prochaine à a même date. Et le temps pour y parvenir ne doit pas, non plus, donner lieu au rangement des armes. Au contraire, la période est bien propice – telle une mi-temps dans un match de foot – pour corriger ce qu’il y a à corriger.
« Aide-toi, le ciel t’aidera », dit un adage et Kinshasa devrait avoir à l’esprit qu’en l’état, la résolution du Conseil de sécurité le condamne à la quête d’équipements militaires de seconde main auprès de fournisseurs à la fiabilité douteuse et qui font le bonheur d’émissaires congolais véreux. On a, en effet, connu par le passé des situations dramatiques où les troupes au front recevaient des armes et des munitions incompatibles pour des résultats que l’on pouvait bien imaginer.
Apprendre de ses erreurs
Pour redresser le front diplomatique, la RDC commencerait par apprendre de ses erreurs en se débarrassant de sa posture angéliste et lénifiante. Il s’agit de comprendre que le dialogue diplomatique participe à la guerre et que de ce front aussi peut venir la paix. Ce faisant, Kinshasa est appelé à regarder bien en face tous ces partenaires pour clarifier les choses afin de savoir précisément à quoi s’en tenir et sur qui compter.
L’autre front à revoir est interne à la RDC même. S’il est vrai qu’il s’y observe une mobilisation des forces vives, il faut dire que cette mobilisation est plutôt spontanée et hautement patriotique, ce qui ne signifie pas une adhésion à une démarche diplomatique des officiels. L’enjeu ici est, en effet, de former une véritable cohésion nationale face à la menace extérieure. Cet enjeu passe donc par une fédération, en plus du peuple, des élites influentes et des intelligences autour d’une cause commune, loin des postures partisanes qui éloignent encore les uns des autres.
Lever les obstacles qui plombent la confiance internationale et nationale
Sur le même front intérieur, la sphère officielle songera utilement à ré-crédibiliser le pays à l’international en aplanissant certaines situations qui plombent la confiance des partenaires extérieurs. En effet, les discours du genre « ennemis du peuple », « infiltration de l’armée », « traitrise et affairisme des officiers » ou encore « complicités internes », etc. ; continueront de convaincre à l’international que la RDC n’est pas assez responsable pour lui mettre des armes entre les mains au risque qu’elles enrichissent quelques galonnées avant de finir entre les mains des desperados. Pour autant que ces accusations qui, du reste, ne datent pas d’aujourd’hui, sont avérées, il revient aux instances compétentes de poser les actes qui s’imposent pour y mettre fin une fois pour toutes afin de restaurer la confiance aussi bien de la communauté internationale en la RDC que des forces vives en leurs institutions et en leur armée, sans oublier dans les rangs même de l’armée et d’autres forces de sécurité.
Car, qu’on ne se voile pas la face, le schisme sur cet aspect interne est bien réel.
Jonas Eugène Kota