Une vive polémique s’est installée dans la société congolaise depuis l’annonce officielle, par le chef de l’État, d’une prochaine révision de la Constitution. De Kisangani où il a séjourné la semaine passée, Félix Tshisekedi a, en effet, fait savoir que cette Constitution, rédigée à l’étranger par des étrangers, comporte, selon lui, des dispositions qui plomberaient l’essor du pays sur certains aspects, notamment l’identification d’une majorité au Parlement, l’élection des gouverneurs, la gestion des provinces, etc.

Il a également annoncé la mise sur pied d’une commission qui va réfléchir sur la question.
Attentisme dans la majorité, les réseaux sociaux prennent le commandes du débat
Depuis cette annonce, toutes les forces politiques d’opposition que compte le pays, y compris le taiseux FCC de Joseph Kabila, ont exprimé leur rejet de ce projet de révision ou de changement de la constitution.
Dans les rangs de la majorité USN, seuls quelques thuriféraires soutiennent le chef de l’État et surtout s’attaquent aux opposants qui ont rejeté la position du Président de la République.
Simi Simi et non étranger Dans la foulée, la toile hétéroclite se fait particulièrement loquace et virulente. Ici interviennent journalistes, politiciens, activistes de la société civile et autres anonymes qui donnent au débat une touche bien particulière basée sur des faits historiques mis en perspective avec l’actualité.
L’objectif de ces productions historiques serait d’essayer de juger de l’opportunité d’une révision constitutionnelle aujourd’hui en mettant les initiateurs de ce projet face à leur propre position d’il y a quelques années sur la même question.
La toile bavarde et libre rappelle, par exemple, que, contrairement aux propos de Félix Tshisekedi à Kisangani, la conférence constitutionnelle, qui avait rédigé l’actuelle constitution, s’était réunie à Simi Simi, une cité dans la ville de Kisangani à 3 Km côté Ouest. La même ville de Kisangani d’où vient d’être annoncée la révision de la même constitution née ici et pas à l’étranger.
l’UDPS avait boycotté la rédaction de la Constitution Cette conférence avait connu la participation de toute la classe politique et sociale issue du dialogue Intercongolais de Sun City, sauf l’UDPS qui avait tout boycotté après avoir refusé la vice-présidence socio-culturelle qui avait été attribuée à l’opposition non armée au sein du dispositif 1+4.

À ce jour, à part l’UDPS, les majors de l’actuelle majorité ne se sont pas encore exprimé officiellement, notamment le MLC de Jean Pierre Bemba (Jean Bamanisa a déjà déclaré son rejet), l’AFDC de Modeste Bahati, le BUREC de Julien Paluku, le RCD K-ML de Mbusa Nyamwisi, etc., sans oublier l’UNC de Vital Kamerhe qui est actuellement Président de l’Assemblée Nationale.
Les majors de la majorité encore silencieux, mais la toile les fait parler
La semaine passée, cependant, Jacques Djoli, Rapporteur de l’assemblée nationale, avait convoqué la presse pour abonder dans le même sens que le chef de l’Etat et annoncer la constitution d’une commission qui va réfléchir sur la révision constitutionnelle.
Sur la toile, pour leur part, les historiens de la circonstance font parler des faits assez récents. Sans nécessairement les commenter, ils exhument des écrits et des vidéos retraçant ce qu’avait été, voici quelque huit années ou moins encore, les positions de l’UDPS et de Félix Tshisekedi, alors Secrétaire national chargé des relations extérieures et chef de la délégation de l’opposition aux négociations politiques du Centre interdiocésain, ainsi que de bien d’autres acteurs aujourd’hui au pouvoir comme Augustin Kabuya (aujourd’hui Président a.i de l’Udps) ou André Mbata, aujourd’hui haut cadre du parti présidentiel et Secrétaire exécutif de l’USN. Le même Mbata qui revient fraichement du Gabon où il avait été invité, en sa qualité de spécialiste constitutionnaliste, pour éclairer le peuple gabonais dans son exercice en cours de rédaction d’une nouvelle constitution.
Egalement rappelé à la mémoire des congolais, Jean Louis Esambo, corédacteur historique de la constitution et actuellement Conseiller spécial du Chef de l’Etat en matière de sécurité, et bien d’autres encore ; à l’instar de Vital Kamerhe, aujourd’hui Président de l’Assemblée nationale et, par cette position, deuxième personnalité de la République.
Ils avaient tous dit NON

Le dénominateur commun de ces rappels historiques est le fait qu’ils se rapportent tous à une époque où le pouvoir en place de Kabila était reproché de vouloir changer la constitution pour s’aménager la possibilité d’un troisième mandat. « Touche pas à ma Constitution », « touche pas à mon 220 », etc. ; tels sont les slogans d’alors rythmant les manifestations qui enflammaient les pavés de Kinshasa et d’autres capitales des provinces, jusqu’au prix du sang des Congolais.
Tels que les célèbres Rossy Mukendi et Thérèse Kapangala, tous deux tombés sous les balles de la répression des manifs anti changement de la Constitution.
Comme aujourd’hui, les manifestants anti révision de la constitution estimaient que ce n’est pas cette constitution qui empêche d’offrir aux congolais de meilleurs salaires, de meilleures conditions de vie, de meilleures écoles, de meilleurs hôpitaux, la sécurité des biens et des personnes, de lutter contre la corruption, etc., et que ce n’est pas non plus cette constitution qui était à la base de l’instabilité chronique du pays dans sa partie orientale.
Jonas Eugène Kota