RDC/Désengorgement des prisons : Constant Mutamba entre libérations spectacle et nouvelles mises en détention à Makala

Au moment de l’occurrence des évènements de la nuit du 1er août 2024, la prison centrale de Makala à Kinshasa comptait au total 15.005 détenus, statistiques en main. Soit 5 détenus de plus que les 15.000 pensionnaires qui y vivaient à la prise de fonctions du nouveau ministre de la justice, Constant Mutamba.

Entre cette prise de fonctions et ces événements, le Ministre d’État avait présidé deux cérémonies de libération de prisonniers, soit un peu plus de 435 unités. Ces libérations ont tout simplement été enrayées par de nouvelles détentions qui ont maintenu en l’état la situation de surpopulation de cette institution pénitentiaire de la capitale congolaise.

Constant Mutamba sans politique claire de désengorgement des prisons

En plus de la problématique de la mise en détention et des incarcérations dans cette unité pénitentiaire de l’époque coloniale dont la capacité d’accueil, 1.500 détenus, n’a jamais connu de renforcement, la politique carcérale en générale souffre d’un manque criant de suivi et de respect des règles, surtout en ce qui concerne les libérations. « De tous les temps, les droits et libertés des détenus font l’objet d’exploitation politicienne par tous ceux qui se succèdent au ministère de la justice pour faire du spectacle avec des libérations massives et groupées comme s’il s’agissait des faveurs faites à des non ayant droit », déplore un cadre de l’administration de la justice.

Cet interlocuteur de Congo Guardian fait également partie de la commission de réforme du système pénitentiaire dont le document était déjà fin prêt « avant même l’arrivée de Constant Mutamba qui va avoir l’insigne honneur d’en engranger les dividendes politiques ». En attendant, ce vieux routier de l’administration pénitentiaire, relayé par des détenus encore en séjour à Makala, fait remarquer que contrairement aux « libérations spectacle », la mise en liberté fait partie intégrante du système judiciaire.

Plusieurs catégories des candidats à la libération pour désengorger Makala

« Autant de nouveaux détenus arrivent en prison chaque jour, autant c’est chaque jour que d’autres doivent en sortir également chaque jour pour diverses raisons, plus légales celles-ci, que les détentions généralement arbitraires qui surpeuplent les prisons », avance un autre administratif des prisons qui explique.

À Makala comme dans d’autres prisons, il existe en effet plusieurs catégories de prisonniers et autres détenus qui sont quotidiennement candidats au recouvrement de la liberté. Parmi ces catégories vient en premier lieu celle des détenus humanitaires. Il s’agit des malades grabataires parmi lesquels se comptent des morts chaque jour à la prison de Makala qui en héberge plus de 2.000. On compte parmi eux des blessés graves dont les blessures non soignées sont infectées et nécessitent jusqu’à des amputations, si pas des prises en charge dans des formations hospitalières plus compétentes. On compte aussi des malades chroniques rongés par le mal et qui n’ont plus que la peau sur les os.

Ces cas sont, un tant soit peu, pris en charge par des ONG, mais leur survie passe nécessairement par leur remise à leurs familles, pour ceux qui en ont. « En tout cas, leur place n’est plus en prison où leur état ne fait qu’empirer en raison de l’environnement malsain », supplie un interlocuteur de Congo Guardian.

L’autre catégorie est celle des détenus qui ont épuisé leur peine et n’attendent plus que leur libération mais continuent à vivre à Makala, parfois des mois durant encore. Pour cause : c’est soit que le greffier local monnaie la remise de leurs documents de libération, soit qu’ils n’ont pas d’avocat ou de parent pour suivre l’élaboration de ce document, soit encore qu’on leur demande d’attendre la cérémonie de leur mise en liberté. Des cérémonies qui peuvent prendre le temps qu’il faut pour l’autorité de trouver un trou dans son emploi du temps.

Il y a également des détenus acquittés, mais qui ne sont toujours pas relaxés et peuvent passer encore des mois de détention parce que soit les chambres foraines – censées avoir lieu au moins chaque jour – ne se tiennent pas, soit parce que le greffier ou l’huissier de justice prétend ne pas avoir de transport pour récupérer les arrêts de justice auprès des différents cours et tribunaux.

L’on trouve aussi des graciés présidentiels qui peuvent moisir encore longtemps en prison, soit pour des raisons politiques, soit toujours pour monnayage de la finalisation de leurs dossiers. « Pour 50.000 FC (17,5 USD) donc, un détenu peut traîner ainsi en prison jusqu’à attraper une maladie et mourir », déplore notre vieux routier de l’administration pénitentiaire.

Mais aux côtés de tous ces cas se trouve le plus grand nombre constitué de détenus sans dossiers. Ils sont arrivés là soit par des règlements de comptes et y sont oubliés depuis des mois et des années, soit parce que détenus politiques, soit encore ceux qui ont été parqués ici parce qu’il fallait vider les « amigos » à travers la ville et même les provinces, ou bien et tout simplement parce qu’il n’y a personne pour suivre leur dossier, etc.

Ce week-end et plus tôt au courant de ce mois et celui d’août, Constant Mutamba a présidé d’autres libérations groupées des prisonniers et il est reparti en laissant intactes ces différentes situations. Les détenus résignés ont pris l’habitude d’attendre la date d’indépendance du pays pour espérer voir leur cas intéresser les autorités… comme ces malades de la piscine de Bethesda qui surveillaient la venue de l’ange pour agiter l’eau…

JDW

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